FREDERICTON (GNB) – La déclaration suivante a été émise, aujourd’hui, par le directeur des poursuites publiques, Pierre Roussel, Cabinet du procureur général :

Les événements qui se sont déroulés le 10 août 2018 ont été tragiques. Deux civils innocents et deux agents de la paix membres de la Force policière de Fredericton furent assassinés. Pour donner suite à ces événements, Matthew Raymond a été jugé par un jury composé de ses pairs afin de déterminer sa culpabilité. Matthew Raymond ayant admis être celui qui a tiré avec une arme à feu sur les quatre victimes, la seule question qui se posait lors de son procès était de savoir si au moment des gestes posés, il était non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux qui l’auraient rendu soit incapable de juger de la nature et de la qualité de ses actes ou de savoir que ses actes étaient mauvais.

Comme la Cour Suprême du Canada l’a confirmé, la défense de non responsabilité criminelle en raison de troubles mentaux est d’une importance fondamentale dans le système de justice canadien :

La défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, que le Parlement canadien a codifiée à l’art. 16 C. cr., répond à des préoccupations fort légitimes dans une société démocratique. Lorsqu’il repose sur une application adéquate des principes qui régissent cette défense, un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux protège l’intégrité du système de justice pénale de notre pays et l’intérêt collectif au respect de ses principes fondamentaux. Le rappel des principes fondamentaux de droit pénal qui sous-tendent la défense de troubles mentaux confirme l’importance de cette dernière en droit criminel canadien.

R. c. Bouchard-Lebrun 2011 CSC 58

Lors de son procès, M. Raymond avait le fardeau de convaincre un jury composé de ses pairs qu’il était criminellement non responsable dû au fait que ses délires l’empêchaient de comprendre la nature de ses gestes et qu’ils étaient mauvais. M. Raymond a déposé de la preuve directe ainsi que circonstancielle, de même que de la preuve d’expert supportant son affirmation qu’il était criminellement non responsable. Tenant compte du verdict auquel en est arrivé le jury, il est clair que celui-ci s’est rendu, en vertu de la preuve soumise, aux arguments de M. Raymond et a conclu que ce dernier n’était pas criminellement responsable.

Le Service des poursuites publiques du Nouveau-Brunswick a révisé de manière approfondie l’ensemble du déroulement du procès, et ce dans le but de déterminer si un appel devait être fait à la suite de la décision du jury. En effectuant cette révision, la Couronne a gardé à l’esprit le principe fondamental énoncé par la Cour Suprême du Canada qu’un verdict rendu par un jury ne doit pas être mis de côté à la légère. Par ailleurs, la Cour Suprême du Canada nous rappelle aussi que de placer notre confiance dans un jury ne constitue pas une forme de confiance aveugle. Il s’agit plutôt du reflet d’une confiance bien méritée, basée sur une expérience bâtie au long des siècles dans l’ensemble des tribunaux et salles d’audience dans tout le Commonwealth. Dans la présente circonstance, il n’est pas suffisant pour la Couronne d'établir une erreur de droit pouvant s’être produite lors du procès. En fait, la Couronne doit pouvoir déterminer une erreur de droit qui aurait eu un impact important par rapport au verdict rendu par le jury. Après avoir révisé le tout de manière approfondie, le Service des poursuites publiques a dû prendre une décision difficile et n’en appellera pas du verdict rendu par le jury. Une analyse du dossier nous révèle qu’il n’y a pas de perspective raisonnable de succès quant à un appel. Bien qu’il aille sans dire qu’il s’agît ici d’un événement extrêmement tragique, le Service des poursuites publiques doit néanmoins faire preuve de respect à l’endroit du verdict rendu par le jury.

Nous voulons cependant rappeler à la population qu’un verdict d’acquittement pour cause de troubles mentaux ne veut pas dire que M. Raymond a été libéré. M. Raymond est maintenant entre les mains et sous le coup de la juridiction de la Commission d’examen du Nouveau-Brunswick et continuera d’être détenu pour une période indéterminée. Et la Commission d’examen prend la protection du public extrêmement au sérieux.

Le Service des poursuites publiques tient malgré tout à exprimer de nouveau ses sincères sympathies à tous ceux et celles qui ont été lourdement affectés par les événements tragiques du 10 août 2018.